Après un trek bien sérieux autour du Dhaulagiri à l'automne
dernier, on s'était dit que l'an prochain, on irait grimper au
soleil en Corse.
Le froid, la faim et le mal de
l'altitude avaient rassasié (pour un temps) nos envies d'aventures.
Alors oui grimper en Corse, ça peut
être les vacances. Approches courtes, escalade au soleil sur un
rocher magnifique et nuits confortables au camping.
Mais attention l'approche courte peut
aussi se transformer en parcours du combattant, le soleil faire place
au froid et la nuit confortable, un lointain souvenir alors que tu
grelottes allongé sur ta corde.
Bref on venait pas pour l'aventure mais
on l'a trouvée quand même...
Pour ce premier jour de grimpe en
Corse, on file direct à Bavella. On choisit Ristrettu à la paroi du
Castellucciu.
200m, TD-, 30 minutes d'approche.
On commence en douceur.
Ristrettu, c'est 6 longueurs de
plaisir, d'escalade aérienne et variée. 100% terrain d'av
.
Ni spits, ni pitons, ni goujons....whalou
Mais des fissures, des cheminées, du
dévers, des tafonis, la ligne est parfaitement logique. Des vires et
des genévriers là où il faut pour relayer confort. Avec à la 4ème
longueur une surprise très ristrettu... Cette surprise, c'est un
boyau où j'ai failli rester bloqué. Les sensations sont bonnes pour
cette première voie Corse. Amel enchaîne son 6a en tête en posant
les friends.
Mardi, on choisit une voie plus équipée
mais plus soutenue. Cette fois-ci, il faudra juste compléter
l'équipement dans les fissures.
On va grimper Omerta à la Punta d'i u
Peru. 180m, TD+, 6b+ max.
Un cran au dessus de U Haddad, Omerta a
tout pour plaire. De l'ombre, mais surtout des longueurs très
originales.
C'est un peu Fort Boyard: il faudra passer dans le chat
d'une aiguille, faire un peu de spéléo et serrer les prises du mur
final très technique pour gagner le sommet.
La cordée est en forme
Amel se lance en tête dans le crux et
moi j'enchaîne tous les pas durs.
Pas besoin de doubler le jeu de
friends, un seul suffit.
Amel nous raconte ce 3ème jour de
grimpe. Mimi, c'est avant tout une aventure bien Bavellienne! Depuis
2 jours, on s'est bien mis au rythme Corse. Pas trop tôt le matin,
le boulanger ne passe qu'à 9h au camping... On part donc comme
d'hab, à la cool, les mains dans les poches. Mais aujourd'hui, tout
se révèlera plus compliqué. Une marche d'approche annoncée 1h20
qui sera plus proche des 1h45 sur un sentier qui se transforme vite
en remontée de rivière asséchée avec des cordes fixes, un début
de voie difficile à identifier, aucun relai en place.
Le ton est
donné, c'est parti pour Mimi... Je pars en tête mais ça déroule
moins, style old school, topo qui ne correspond pas trop, protections
qui ne m'inspirent qu'à moitié... bref ça commence mal.
Au premier
relais, il est plus de 14h, en plus j'ai oublié mon casque, bref
Simon me demande si on est bien sûr de vouloir continuer... oui oui,
après tous ces efforts on ne va pas renoncer maintenant...
Les
premières longueurs sont variées (tafonis, veine de quartz,
dièdre...) et déroulent quand même relativement bien
jusqu'au rappel. La deuxième partie vue du bas est impressionnante,
le retour en arrière n'est désormais plus possible.
On grimpe de
jolies longueurs dans les tafonis jusqu'au crux, la longueur en 6c.
Je suis contente de pouvoir assurer Simon sur le seul relai spité de
la voie, mais aucun point dans la longueur... J'entends Simon pinayer
au dessus de son dernier friend qui a tourné (le numéro 5
d'ailleurs, enfin on le rentabilise) mais il l'a finalement enchaîné,
bravo! Me voila dans une bonne renfrougne des familles où j'hésite
entre coincer les fesses ou les jambes. Je me hisse sans trop de
méthode mais ça passe, yihaa!
Encore quelques passages en
renfrougne et on arrive enfin au dernier 6a+ qui nous secoue encore
bien.
C'est magnifique, on se croirait dans la maison de Gaudi...
sauf que le soleil se couche... Et qu'on n'est pas couché .
Le topo n'est pas clair et on galère à trouver le 2ème relais de
rappel. On commence la descente de nuit (évidemment ça fait 2 jours
que je prends ma frontale pour rien et là je l'ai laissée à la
voiture) sauf que... La corde se coince au 2ème rappel... Et merde,
pas moyen de la décoincer. C'est parti pour 30 mètres de remontée
sur corde de nuit pour tous les deux et un bivouac improvisé.
La
corde en guise de matelas, le camel en guise d'oreiller, les pieds
dans le sac en guise de chaussettes, emboîtés l'un dans l'autre
pour se tenir chaud et un frottage énergique toutes les 15 minutes
pour se réchauffer... On dirait pas comme ça mais c'est long une
nuit! Surtout sans rien à boire ni à manger (et vous me connaissez, ça a été dur). Au petit matin, engourdis, on refait le rappel... Et
là... ça coince à nouveau! Pas possible! Remontée de nouveau sur
corde jusqu'à comprendre qu'en passant dans le trou ça coincerait
sûrement moins.... halleluyah!! Ça passe! Après cette nuit froide
sans sommeil, on se dit qu'on va rectifier le topo et aller se
reposer un peu à la mer.
On retrouve mon frère et sa copine pour une petite escapade de 3 jours en bateau.
Palme, masque, tuba, kayak et parfois tout à la fois.
Une petite virée jusqu'aux Lavezzi.
Après ces 3 premières journées bien intense, on apprécie d'autant plus.
Suite à ces quelques jours de
bateau-apéros, on retourne grimper à Bavella.
Un très fort vent d'ouest nous fait
renoncer à la Punta di Accelu. On retourne donc grimper au
Castelluciu pour plusieurs raisons.
Ça descend à pied (rappels, tafonis
et vent ne font sûrement pas bon ménage), on sera plus ou moins à
l'abri du vent pendant la voie et on recommence en douceur avec la Périllat (D+, 200m,
TA).
"L'itinéraire est logique sur du
bon rocher dans un cadre superbe. Les difficultés homogènes".
Recommandée par le topo.
C'était ce qu'il nous fallait pour
aujourd'hui mais je l'ai trouvée quand même moins belle que sa voisine
Ristrettu.
On devient difficile...
Bien content de pas bivouaquer ce soir
parce que ça caille !!
Depuis qu'on est arrivé à Bavella, on
ne voit qu'elle. La Punta Lunarda est sans doute la pointe la plus
emblématique du massif. Ses formes parfaites et son allure de
Capucin le font appeler ici le "Cagoulard". Une marche
d'approche longue et raide, ajoutée aux voies d'exceptionnelle
difficulté en font un lieu convoité mais aussi peu fréquenté.
Le ton est donné. La journée va être
longue. Cette fois on part plus tôt, on prend plus d'eau, la
frontale et la doudoune.
On va éviter les fissures larges en
6c/7a de Nirvana qui nous font un peu peur, pour tenter une voie plus
facile en face sud-est. La face cachée de la Lune (200m, TD+,
équipée )
On va apprendre deux choses
aujourd'hui. Premièrement, ce qu'est une vraie approche Corse.
Là, ça donne 3 heures de parcours du
combattant pour trouver le pied de la voie. À la recherche du
prochain kairn, parfois à pied, parfois en grimpant, quelque fois
encordé, mais souvent en faisant le sanglier au mieux plié en 2, au
pire à quatre pattes... Ça devient moins marrant au bout de 3
heures !!
La deuxième chose qu'on apprend, c'est
que la dalle c'est dure.
Au taquet dans le 6a, le pied sur le
spit dans le crux du 6a+, alors dans le 6c....on tire allègrement
les dégaines.
Bref, on se fait rouster !! Le 6c sur
friends de Mimi semble bien loin.
Heureusement la fissure de L2 est très
belle. Mais on a été un peu déçu de cette voie qui nous faisait
rêver depuis le début du séjour.
Malheureusement on n'aura pas le plaisir
de sortir au sommet. Je fais une mauvaise chute en tête et crac,
luxation d'épaule.
Heureusement Amel avait fait la
formation premiers secours à la Gordzerette (merci Anaïs), et
re-crac mon épaule a retrouvé une position normale.
Ouf, ça va (un peu) mieux, on peut
attaquer les 5 rappels et les 2h45 de descente.
Voilà, la fin un peu brutale d'une
belle saison de grimpe bien remplie.
Ça aurait pu être pire, il nous
restait qu'un jour de grimpe en Corse et j'avais prévu de bosser cet
automne.
Et puis il y a pire comme salle de
rééducation.
J'espère que cet article vous aura
donné envie d'aller grimper en Corse.
Le rocher est vraiment unique et y en a
pour tous les goûts (dalle, dévers, vertical, tafonis, dur, pas
dur, équipé un peu, beaucoup, pas du tout...)
Le potentiel est énorme et le climat
pas une légende (au retour, la température a été divisée par 2 en 24
heures).