"Le Grand Capucin est un monolithe parfait de protogine. 400 mètres d'escalade variée : dalles, fissures, toits, murs à knobs... Tout y est. De plus le panorama est à couper le souffle. Au fur et à mesure que l'on s'élève, le mont Blanc dévoile son versant sud et la mythique arête de Peuterey. Ayant eu la chance de grimper sur de nombreuses parois de granit dans le monde, je trouve que celui de la combe Maudite est le plus beau et plus agréable qui soit. Cette protogine rouge à gros cristaux permet lorsque ce n'est pas trop raide, l'escalade hors des fissures."
Avouez que cette introduction de Philippe Batoux dans les 100 plus belles du Mont-Blanc, donne sacrément envie.
Ça se complique à la lecture du topo, les voies les plus faciles sont cotées ED. On trouve du 8b dans la plus dure. Et elles sont toutes à équiper sur coinceurs. Bon bah, on va laisser le mythe où il est et ça sera sans moi.
Mais en fouillant un peu, je tombe sur la combinaison Voie des Suisses, sortie O Sole Mio. On évite ainsi un pas d'artif "athlétique" et on grimpe en libre dans le 6a (chamoniard bien sûr). 300 mètres, TD+ sur coinceurs ça me va mieux.
Là voilà inscrite en bonne place sur ma to do list de grandes voies estivales.
Mi-juillet, la forme est là, Loïc est dispo mais la météo à Cham n'est pas assez bonne pour grimper à 3800 mètres. Ça sera l'occasion de cocher un beau projet à la tour Termier et de découvrir une belle voie abordable récemment rééquipée à Sialouze. Qui a dit qu'il faisait toujours meilleur dans le sud ?
L'été se passe (bien) et le projet du grand Cap s'éloigne. Le couloir des Aiguillettes qui permet d'accéder au pied de la voie est tout sec, la rimaye impraticable.
Jusqu'à lundi dernier, où je tombe sur un compte rendu récent de la voie des Suisses. Les grimpeurs ne mentionnent pas l'approche, c'est que ça n'a pas du leur poser problème. Effectivement, en creusant je découvre qu'on peut rejoindre le pied de la voie par de l'escalade facile en rive gauche du couloir des Aiguillettes. Ça ne nous dit pas comment on va passer la rimaye, mais le hasard s'en chargera.
Le hasard fait bien les choses, la météo est au beau pour ce week-end qu'on avait booké avec Loïc et on croise deux grimpeurs italiens au pied de la face, qui nous racontent dans un mélange d'itaglais qu'ils viennent de bivouaquer sur une vire de 20 cm de large parce qu'ils ont coincé leur rappel à 50 mètres du glacier. Ça met un petit coup de pression d'autant que j'ai justement oublié ma couverture de survie. Avant d'aller se coucher, ils nous expliquent comment rejoindre en deux longueurs la section en rocher facile en rive gauche du couloir. Merci les gars et buona notte !!
On attaque donc au point le plus bas de la face et ça grimpe direct. Heureusement la section suivante pour arriver au pied de la voie passe bien en corde tendue. Ouf', on est enfin à l'attaque !
Plus tôt en saison, c'est bien plus rapide de remonter le couloir en neige, mais l'avantage de la fin de saison, c'est qu'il y a beaucoup moins de monde dans la voie la plus "facile" du grand Capucin. Aujourd'hui, une seule autre cordée partie tôt du refuge est 100 mètres plus haut.
La voie démarre à la limite du rocher orange et du rocher gris. Ce rocher orange, c'est la fameuse protogine dont parle Philippe Batoux. Solide, adhérente et sculptée...
Assez rapidement, ça grimpe dans le 6a mais ça se protège bien et surtout c'est magnifique; fissures, dülfer, dièdre...
La suite est aérienne et nous demande de la détermination. Heureusement quelques câblés coincés facilitent la pose de protection dans le deuxième crux. Y a de l'ambiance, le Trident et la Chandelle paraissent maintenant tout petits.
Et c'est presque surpris et plus ou moins fourbus qu'on arrive au sommet. Check mec, on est au sommet du grand Cap'. Encore une belle croix partagée ensemble !!
La descente en rappel dans Voyage selon Gulliver est l'occasion de quelques égarements et moments de solitude mais on arrive au pied de la face sans coincer la corde.
Ouf' de soulagement et re-Check.
Le grand Cap', c'est fait.
Une belle conclusion pour un bel été en montagne.
topo rectifié